lundi 28 avril 2008

Victoire de la Belgique en Fed Cup (5-0)

J'ai déjà parlé sur ce blog des Belges qui ont effectué des belles performances sportives en ce début d'année 2008 : championnat du monde de pentathlon 2008 à Valence pour Tia Hellebaut, Tour de Flandre pour le cycliste Stijn Devolder, médaille d'or au championnat d'Europe des moins de 73kg pour le judoka Dirk Van Tichelt, Paris-Roubaix pour Tom Boonen, ainsi que la première place pour Justine Henin depuis de nombreux mois au classement mondial de la WTA.

Ce week-end, c'était au tour de notre équipe nationale de tennis de se faire remarquer en Fed Cup. A Mons, nos joueuses ont battu la Colombie et se maintiennent donc dans le groupe 2. Née en 1986 à Geel, Kirsten Flipkens (WTA 192) a remporté ses deux simples face à Catalina Castano et à Mariana Duque-Marino. Née en 1989 à Lier, Yanina Wickmayer (WTA 122) a battu Mariana Duque-Marino, puis Yuliana Lizarazo. La paire Caroline Maes/Debbriech Feys a gagné le double face aux colombiennes Yuliana Lizarazo/Alexandra Moreno. Bravo à toute notre équipe nationale et à sa sympathique capitaine Sabine Appelmans!

lundi 21 avril 2008

Rudy Aernoudt, un citoyen engagé

En 2006, Rudy Aernoudt avait écrit un livre, "Vlaanderen/Wallonië : Je t'aime, moi non plus", qui n'était pas passé inaperçu. Secrétaire général dans l'administration flamande, ancien chef de cabinet de plusieurs ministres de l'Economie, il dénonçait les clichés véhiculés par les séparatistes du nord du pays et leurs conclusions simplistes. Dans son livre, il citait une série d'arguments économiques contre le séparatisme et les thèses défendues par des patrons flamands dans le manifeste du groupe de réflexion "In de Warande".

Il a ensuite reçu le Prix du Courage Politique 2007 décerné par l'asbl BPlus. Durant les six mois de crise politique en 2007, il plaide dans les médias en faveur de l'unité de la Belgique fédérale et participe à la manifestation nationale du 18 novembre dans les rues de Bruxelles.

Rudy Aernoudt poursuit son combat en 2008 en créant un mouvement bilingue "België Anders/ La Belgique Autrement" avec d'autres personnalités du monde économique : Michèle Aerden, Adrienne Axler, Alain De Waele, Philippe D'heygere, Eric Domb, René Mannekens, Tony Mary, Françoise Meunier, Yves Nelissen Grade, Baudouin Velge, Lydwine Verhaegen, Cathy Schoels, Catherine Gernay, Eddy Van Gelder, Nicolas Saverys, etc. Leur première action a eu lieu le 19 avril 2008 : un colloque à Bruxelles en présence de 250 personnes. Plus d'infos sur www.belgie-anders.be ou par courrier à 402, avenue de Tervuren - 1150 Bruxelles.

dimanche 20 avril 2008

Exposition de Jan Fabre au Musée du Louvre (Paris)

Quelques semaines après avoir visité avec l'artiste belge Pierre Alechinsky la rétrospective qui lui était consacrée aux Musées Royaux des Beaux-Arts, la reine Paola s'est rendue, le 9 avril 2008, à Paris pour l'inauguration de l'exposition "Jan Fabre, l'Ange de la métamorphose" au prestigieux Musée du Louvre. Elle était accompagnée des ministres flamand et français de la Culture Bert Anciaux et Christine Albinel. L'exposition montre le regard contemporain que porte l'artiste anversois sur des oeuvres de maîtres anciens flamands et hollandais (Van Eyck, Memling, Rubens, Rembrandt, Vermeer, etc.). Très heureux de la venue de Paola, Jan Fabre confie à la presse : "Ce que j'apprécie, c'est que la Reine trouve réellement mon oeuvre passionnante. Cela n'a rien à voir avec le protocole. Elle vient ici parce qu'elle en a vraiment envie. C'est le plus important, non?".

Marie-Laure Bernadac, commissaire de l'exposition, déclare au magazine français "Point de Vue" : "Au Louvre, la Reine s'est montrée charmante, très simple, passionnée, manifestement heureuse d'être à Paris, afin d'admirer le travail d'un artiste qu'elle suit depuis des années. Ainsi l'avait-elle déjà admiré à Venise lors d'une précédente biennale. La reine Paola est un véritable amateur d'art, multipliant les questions, cherchant à connaître la signification de telle ou telle oeuvre, s'inquiétant de la manière dont le public allait appréhender l'exposition. Je sais aussi que la reine des Belges a tenu à se rendre en privé au Centre Georges Pompidou afin de voir l'exposition consacrée à Louise Bourgeois dont je suis également la commissaire générale. L'intérêt que témoigne Paola pour l'art n'est assurément pas feint".

Né à Anvers en 1958, Jan Fabre est à la fois dessinateur, sculpteur, chorégraphe et metteur en scène de théâtre. Il a étudié à l'Ecole des Arts Décoratifs et à l'Académie Royale des Beaux-Arts d'Anvers. Ses oeuvres sont souvent inspirées par la nature, une passion qu'il doit à son grand-père Jean Henri Fabre, entomologiste et auteur des "Merveilles de l'instinct chez les insectes".

L'oeuvre la plus connue de Jan Fabre est le revêtement du plafond de la salle des Glaces du palais royal de Bruxelles en 2002. La reine Paola avait créé un comité artistique, chargé d'intégrer l'art contemporain belge dans le palais. Jan Fabre leur proposa le revêtement du plafond par 1,4 million de carapaces de scarabés. Reverbérant la lumière, ces petites coques de 27 mm donnent des tons changeants passant de toutes les teintes de vert à certaines formes de bleu. La confrontation avec les miroirs et les ors des murs donne un effet magistral montrant à quel point l'art contemporain et la tradition peuvent se compléter. Rappelons que ce plafond est visible gratuitement lors de l'ouverture annuelle du palais royal en été.

Par ailleurs, Jan Fabre fait partie des personnalités flamandes ayant apporté leur soutien à la pétition bilingue en faveur du maintien de la solidarité entre les régions les plus riches et les plus pauvres du pays (donc le maintien de la sécurité sociale fédérale). Lancée en Flandre, cette pétition a déjà reçu plus de 120.000 signatures (dont 60% de néerlandophones) et vous pouvez toujours la signer sur www.sauvonslasolidarite.be ou www.reddesolidariteit.be

mercredi 16 avril 2008

Bravo aux sportifs belges !

Alors que Justine Henin est depuis de nombreux mois la meilleure joueuse de tennis au classement mondial de la WTA, je félicite les sportifs belges qui se sont illustrés en ce début d'avril 2008.

Né à Courtrai en 1979, Stijn Devolder a fait honneur à son maillot de champion de Belgique en remportant le Tour des Flandres 2008. Un autre Belge est arrivé deuxième : Nick Nuyens. Né en 1980 à Lier, Nick Nuyens a déjà gagné notamment le Circuit Het Volk 2005, le Tour de Grande-Bretagne 2005 et Kuurne-Bruxelles-Kuurne 2006. Le 12 avril, c'est au tour du judoka anversois Dirk Van Tichelt de s'illustrer à Lisbonne en obtenant la médaille d'or aux championnats d'Europe des moins de 73kg. Le lendemain, autre succès belge : le sympathique coureur cycliste Tom Boonen remportait,pour la deuxième fois, la mythique course Paris-Roubaix.

Né à Mol en 1980, Tom Boonen dispose déjà d'un impressionnant palmarès avec 88 victoires depuis ses débuts chez les professionnels en 2002 : Championnat du Monde 2005, Tour des Flandres 2005 et 2006, Paris-Roubaix 2005 et 2008, Gand-Wevelgem 2004, Tour de Picardie 2004, Tour de Belgique 2005, Tour du Qatar 2006 et 2008, le maillot vert 2007 et six étapes du Tour de France, etc. Plus d'infos sur www.tomboonen.com (français/néerlandais/anglais).

dimanche 13 avril 2008

Récompenses pour Jan Baetens et Nicole Verschoore

Je voudrais vous parler aujourd'hui de deux auteurs flamands qui ont choisi d'écrire en français et qui ont reçu dernièrement une récompense littéraire : le prix triennal de poésie pour Jan Baetens et le prix Auguste Michot pour Nicole Verschoore.

Née à Gand en 1939, Nicole Verschoore est docteur en philosophie et lettres. Au cours de sa carrière de journaliste, elle a travaillé pour le quotidien "Het Laatste Nieuws", "Le Nouveau Courrier" et "La Revue Générale". Son premier roman, "Le maître du bourg", est publié en 1994. En mars dernier, elle a reçu le Prix Auguste Michot 2007 pour sa trilogie romanesque "La passion et les hommes", composée de "Les parchemins de la tour", "Le mont Blandin" et "La charrette de Lapsceure" (vous pouvez trouver sur ce blog une critique de ce dernier livre). Voici un extrait de l'argumentaire du jury de l'Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique :

"Nicole Verschoore s'assume parfaitement comme l'une des dernières, sinon la dernière personnalité littéraire francophone de Flandre. En ce sens, elle incarne elle-même le souci qui a conduit Auguste Michot à créer son prix. Son travail de journaliste va dans le sens du maintien d'une information en langue française en Flandre et d'une meilleure connaissance de l'actualité flamande dans la partie francophone du pays. En tant que romancière, elle oeuvre dans le même esprit. Ce qui apparaît clairement dans sa trilogie parue aux éditions du Cri, où elle retrace l'évolution de la Belgique, essentiellement vue de Flandre, depuis l'indépendance belge. Cette fresque brasse une très grande connaissance de son sujet, que Nicole Verschoore, en romancière et nouvelliste qu'elle est, transpose dans une perspective fictionnelle qui nous permet de nous plonger affectivement dans une époque révolue, mais riche en éclairages sur la situation et les problèmes de la Belgique actuelle. L'auteur savait-elle d'ailleurs, lorsqu'elle entama cet édifice romanesque, que son entreprise tomberait tellement à point nommé?".

De son côté, Jan Baetens a reçu le prix triennal de poésie 2008 (d'une valeur de 8.000 euros) décerné par la communauté française pour son recueil "Cent fois sur le métier" paru en 2004 aux Impressions Nouvelles. Il rejoint, entre autres, Marcel Thiry, Maurice Carême et Liliane Wouters au palmarès de ce prix existant depuis 1925. Né en 1957, Jan Baetens est professeur à la Katholieke Universiteit van Leuven et l'auteur de plusieurs ouvrages d'analyse et de critique littéraires. Il explique son choix d'écrire en français dans la revue "Le Carnet et les Instants" :

"Aujourd'hui, les poètes flamands d'expression française sont plus rares encore que les 29 février, et je ne pense pas être le seul à le regretter. Non pas par nostalgie, en songeant à tous ces auteurs flamands qui ont enrichi le patrimoine des lettres belges, mais à cause du présent et surtout de l'avenir. Je crois en effet qu'une littérature gagne à s'ouvrir à celles et ceux qui la choisissent librement par conviction, par désir, par amour. C'est exactement mon cas. Tout le monde sait que je n'écris pas en français par atavisme, par tradition familiale, par souci de distinction, mais par une nécessité intérieure. Le choix du français est un choix voulu, pleinement assumé, que j'ai toujours défendu contre l'incompréhension et les moqueries de certains proches (du reste, presque personne en Flandre ne sait que j'écris). C'est le défi que pose le choix d'une langue étrangère qui m'a permis de trouver ma voix et ce sont les exemples de la littérature française et belge qui m'aident à me faire étranger à moi-même, condition sine qua non, selon moi, de toute parole véritablement littéraire. Ecrire n'est pas une manière de s'exprimer, mais une façon de "partager le sensible", pour citer Jacques Rancière, c'est-à-dire une façon de proposer aux lecteurs de nouvelles façons de voir le monde, et le mot important est ici monde, non le mot moi".

samedi 12 avril 2008

Article de "La Libre Belgique" (7 janvier 2008)

Le manager flamand Tony Mary, l'ex-patron de la VRT, a une ambition politique. Non, il ne veut pas créer un énième parti politique en Flandre, mais bien une structure efficace qui devrait transformer la force d'une majorité silencieuse en faveur d'une Belgique fédérale, efficace et solidaire en un pouvoir réel. Cette force existe, y compris en Flandre, mais, selon Mary, elle ne représente pas un poids médiatique et politique. Veut-il se profiler comme un patriote belgicain? "Je sais très bien qu'on essaiera de me coller cette étiquette, mais je ne suis pas un partisan de la Belgique de papa", répond-il, "Je veux mener une action pour une Belgique solidaire, mais en même temps efficace. Je trouve, par exemple, que la Wallonie doit justifier de façon claire et transparente ce qu'elle fait de chaque euro qui lui est accordé dans le cadre de la solidarité fédérale", ajoute-t-il.

C'est l'homme d'affaires qui parle. Mary n'est pas un homme politique, il est avant tout un manager qui a fait ses preuves à la tête de grandes entreprises comme IBM et KPMG. Il siège toujours dans différents conseils d'administration. C'est dans ces cercles qu'il est en train de trouver le soutien financier pour son nouveau projet et c'est cette expérience de manager qu'il veut mettre au service d'une ambition partagée par une majorité de la population. Il veut, avant tout, réagir contre ce qu'il appelle la malhonnêteté intellectuelle du groupe de la Warande qui, selon lui, a écrit son manifeste en omettant les données et les chiffres défavorables à la conclusion qu'il avait énoncée d'avance.

Le problème est, selon Mary, qu'il n'existe pas de structure efficace pour réfuter les fausses allégations répandues sous le couvert du groupe de la Warande. L'idée d'une Belgique fédérale, solidaire et efficace, est une idée forte, mais elle n'est ni bien gérée, ni communiquée efficacement. Mary a d'ailleurs suspendu son affiliation au club de la Warande tant que l'organisation ne prendra pas ses distances par rapport à ce manifeste. On a laissé longtemps le champ libre à ceux qui véhiculent des falsifications de la vérité, dit-il : "On lit très rarement dans la presse flamande que la région la plus riche du pays, c'est le Brabant wallon. On n'entend jamais que c'est l'UCL qui dépose le plus de brevets ou que le gros des emplois à valeur ajoutée est actuellement créé sur l'axe Bruxelles-Wavre-Namur-Arlon".

Voulant clairement contrer ce climat, l'ex-patron de la VRT est en train de rassembler des sponsors pour financer une organisation avec un secrétariat permanent, qui rassemblera les données et formulera des réponses fondées et diffusées de façon pertinente sur les préjugés qui, selon Tony Mary, sont à la base de l'idéologie séparatiste. Il veut, par exemple, réfuter la théorie selon laquelle l'arrêt des transferts financiers du Nord vers le Sud, par la création d'une Flandre autonome, pourrait mener à plus de prospérité en Flandre. Selon Tony Mary, c'est du charlatanisme. Le groupe de la Warande affirme qu'une Flandre autonome serait membre à part entière de l'Union européenne. Or, au sein de l'UE, il existe aussi des mécanismes de solidarité entre les régions. Et - puisqu'une Flandre autonome serait dans le top 5 des membres les plus riches de l'UE - les transferts financiers exigés par l'Europe seraient supérieurs à ceux du Nord vers le Sud de notre pays : "Au lieu de faire un cadeau annuel de la valeur d'une Smart par tête d'habitant en Wallonie, une Flandre autonome devra faire cadeau d'une Golf. Seulement, l'argent ne serait pas destiné à ceux avec lesquels nous avons des liens économiques lucratifs, mais aux habitants des régions pauvres de la Roumanie ou de la Bulgarie. Expliquez-moi en quoi cela pourrait servir la prospérité flamande?", demande Mary.
Article de Jan De Troyer dans "La Libre Belgique" (7 janvier 2008)

samedi 5 avril 2008

"Philippe, prince héritier" (B. Leyts, B. Balfoort et M. Van den Wijngaert)

Après les nombreuses critiques dont il a fait l'objet ces dernières années, le prince héritier Philippe de Belgique a enfin droit à une biographie sérieuse, bien documentée et objective, rédigée par trois auteurs flamands : l'historien Mark Van den Wijngaert, les journalistes Barend Leyts et Brigitte Balfoort. Ils ont bénéficié de l'aide de quatre anciens collaborateurs du Palais (Michel Didisheim, Guido Mertens, Marc Servotte et Gérard Jacques) et du président du Fonds Prince Philippe (Paul Buysse) qui ont, pour la première fois, accepté de parler du prince héritier.

Les premiers chapitres démontrent que le prince Philippe (né en 1960) a eu une formation plus structurée et plus complète que ses prédécesseurs, et qu'il a souffert de la longue crise conjugale entre ses parents. Le temps des précepteurs privés est terminé : Philippe effectue ses études primaires et ses trois premières années secondaires en français au collège Saint-Michel d'Etterbeek, puis ses trois dernières années d'humanité gréco-latines en néerlandais à l'abbaye de Zevenkerken à Loppem. C'est là qu'il rencontre son premier grand amour, Barbara Maselis, une jeune Flamande originaire de Roulers et de deux ans sa cadette.

C'est le roi Baudouin qui choisit la suite de la formation du très docile Philippe : Ecole Royale Militaire de 1978 à 1981, puis passage par la force aérienne et la force terrestre dans le régiment paracommando. Après quelques mois à l'Université d'Oxford, le prince poursuit ses études à l'Université de Stanford en Californie. En 1985, il y obtient le diplôme de Master of Arts en sciences politiques et devient le premier membre de la dynastie à détenir un diplôme universitaire. De son propre aveu, ces deux années incognito de l'autre côté de l'Atlantique constituent l'expérience la plus déterminante de sa jeunesse.

De retour en Belgique, le prince Philippe a une existence austère entre son appartement du palais royal de Bruxelles, ses visites de travail à travers le pays et ses week-ends avec le roi Baudouin, qui a une grande influence sur son neveu. Philippe travaille plusieurs semaines dans un camp de réfugiés en Ethiopie et va soutenir les Diables Rouges lors de la Coupe du Monde au Mexique en 1986. Malgré sa présence répétée aux côtés des souverains et la création de sa propre Maison (avec personnel et dotation), le prince est de plus en plus l'objet de critiques au début des années 90 : on lui reproche sa timidité et ses maladresses en public, on se moque de sa conversation peu intéressante avec l'astronaute Dirk Frimout, on doute de ses capacités intellectuelles ("Il n'en est pas capable", selon l'ancien Grand Maréchal de la Cour Herman Liebaers, qui avait été remercié par le roi Baudouin) et on parle de plus en plus de la charmante princesse Astrid, qui entre désormais dans l'ordre de succession au trône suite à l'abolition de la loi salique en 1991.

En 1993, le roi Baudouin décède, mais à la surprise générale, ce n'est pas son neveu qui lui succède mais son frère. D'après les auteurs de ce livre, le gouvernement fédéral souhaitait l'accession au trône d'Albert II et la reine Fabiola aurait dit à Motril au premier ministre Jean-Luc Dehaene : "C'est exactement ce que le roi Baudouin aurait voulu". Mais, selon les trois auteurs, "Philippe est déçu car, malgré tout, il avait espéré que son père lui céderait la place". Le prince est titré duc de Brabant, devient sénateur de droit et président d'honneur de l'Office Belge du Commerce Extérieur, et crée en 1998 le Fonds Prince Philippe, destiné à organiser des échanges linguistiques entre les trois communautés de notre pays.

Ses fiançailles et son mariage avec Mathilde d'Udekem d'Acoz en 1999 suscitent l'enthousiasme. C'est une vraie Belge : sa famille est originaire de Poperinge en Flandre occidentale, ses deux oncles font de la politique au sein du CVP, elle a grandi près de Bastogne dans les Ardennes, elle a fait ses études et a travaillé comme logopède en région bruxelloise. Les auteurs parlent de Mathilde comme "une perle rare" : "Etre princesse demande surtout une intelligence sociale ; et ce don-là, Mathilde le possède. Elle ne doit faire aucun effort pour se présenter dès le premier jour avec professionnalisme. Elle ne souffre pas des mêmes problèmes d'adaptation qu'ont connus nombre de ses collègues (...) Quant à Mathilde, elle ne semble jamais stressée, au contraire. Elle évolue en public avec un naturel surprenant. A faire pâlir la famille royale. Il n'y a pas à dire, son sens social est nettement plus développé que celui de Philippe. Elle parvient souvent, en fine psychologue, à le tirer de mauvais pas. C'est comme si elle se tenait tapie dans l'ombre pour pousser son époux en avant" (p. 127-128).

Le couple a trois enfants (la princesse Elisabeth, le prince Gabriel et le prince Emmanuel) qui effectuent leurs maternelles et primaires en néerlandais au collège Sint-Jan Berchmans de Bruxelles. Philippe accorde beaucoup d'importance à l'éducation de ses enfants dont il semble très proche. Leur vie privée ne donne lieu à aucun scandale.

Les auteurs reviennent avec objectivité sur les polémiques autour du prince héritier depuis 2002 : l'attribution du diplôme de docteur honoris causa de la K.U.L., les propos contre le Vlaams Belang, la signature d'une liste de revendications de la F.E.B., les réprimandes du premier ministre Guy Verhofstadt, les critiques contre la mission économique en Afrique du Sud et l'altercation avec deux journalistes flamands au palais royal. Ils expliquent ensuite comment le prince et ses collaborateurs ont réagi à ces reproches et comment ils ont réussi à donner un nouvel élan aux missions économiques à l'étranger. Les auteurs conseillent à Philippe de rencontrer régulièrement de façon informelle le monde politique qui ne le connaît qu'à travers les échos (pas souvent positifs) de la presse.

Le dernier chapitre évoque l'évolution de la monarchie depuis l'indépendance de 1830 : la fédéralisation de notre pays et la prise de décisions communes par l'Otan et l'U.E. ont diminué le pouvoir royal au fil des décennies. Le roi des Belges a donc de plus en plus un rôle de représentation. Au terme d'un long et sérieux travail d'investigation, sans jamais prendre parti pour ou contre Philippe, Barend Leyts, Brigitte Balfoort et Mark Van den Wijngaert ont dressé un portrait intéressant, équilibré et humain du prince héritier.

Je n'ai retrouvé qu'une seule petite erreur à la page 22 : la grande-duchesse Joséphine-Charlotte n'est pas née au château du Stuyvenbergh, mais à l'hôtel Bellevue à Bruxelles. Le nombre élevé de témoignages anonymes et l'absence de bibliographie est regrettable.

jeudi 3 avril 2008

"Charles de Belgique (1903-1983)" de Rien Emmery

Né à Bruges en 1983, Rien Emmery a consacré son mémoire de licence en histoire au rôle joué par le prince-régent Charles de Belgique (oncle du roi Albert II) durant la Question Royale. Il a ensuite décidé d'écrire une biographie complète, bien documentée et objective sur ce prince méconnu.

Dans le chapitre consacré à son enfance et à sa formation dans la marine britannique, on constate déjà les relations difficiles entre le prince Charles (fils cadet d'Albert Ier et Elisabeth) et sa famille, notamment à travers les lettres conservées dans les archives du palais royal. Durant la première guerre mondiale et ses études en Angleterre, Charles voit très peu ses parents qui l'encouragent par courrier à être plus travailleur et plus discipliné. Rien Emmery fait remarquer : "Il est hors de doute que le Roi avait de l'affection pour son fils et vice-versa, mais aucun des deux n'arrivait apparemment à l'exprimer".

De retour en Belgique, le prince se fait prier pour assister à certaines cérémonies protocolaires, ce que lui reproche son frère Léopold dans une lettre de 1934 : "Ta vie est faite d'ennui, d'improductivité, de gaspillage de temps, de farce et de bonheurs, d'égoïsme en un mot". Dans les années 30, Charles commence à constituer son domaine de Raversijde à la côte belge et restaure l'aile gauche du palais royal de Bruxelles. De sa liaison avec Jacqueline Wehrli naît en 1939 une fille Isabelle qu'il ne reconnaît pas.

Lors de la campagne des 18 jours en mai 1940, Charles visite les postes de commandement et fait rapport chaque soir à Léopold III et ses généraux. Il approuve la capitulation de l'armée belge décidée par son frère, mais leurs opinions divergent ensuite : Charles est anglophile, tandis que l'entourage de Léopold cherche à nouer de bonnes relations avec l'Allemagne. Lors de la déportation du Roi, Charles parvient à s'enfuir et se cacher dans les Ardennes. Suite à la libération de la Belgique, les Chambres réunies le nomment régent du royaume en septembre 1944.

De 1944 à 1950, le prince Charles a effectué correctement son rôle de régent et avait de bonnes relations avec le monde politique. Sa préférence va à des coalitions rouge-romaines (socialistes et catholiques). Selon Rien Emmery, son rôle dans le dénouement de la Question Royale est plus ambigu : "Il semble clair que Charles et son secrétaire André de Staercke n'avaient pas seulement des objections constitutionnelles contre la consultation de 1950. Ils espéraient, en même temps, que le scrutin, puisqu'il était inévitable, ne donnerait pas une majorité à Léopold" (p. 216).

Rien Emmery ajoute à la page 245 : "Comme régent, il n'a jamais tenté de se faire valoir aux dépens de son frère. Dès la fin de 1945, le prince était convaincu que Léopold devrait abdiquer et que son fils Baudouin devait devenir le nouveau roi des Belges, mais il voulait être sûr que Léopold ne pèserait pas trop lourdement sur la formation de son fils. Dans la Question Royale, Charles n'a certainement pas été impartial. Il a souvent dû risquer le tout pour le tout afin d'empêcher ou de retarder le retour de son frère. Mais il ne l'a jamais fait dans l'espoir vaniteux de rester lui-même au pouvoir".

Après 1950, Charles coupe les ponts avec sa famille et se réfugie dans sa propriété de Raversijde, où il s'adonne à sa passion pour la peinture sous le nom de Karel van Vlaanderen. Les dernières années de sa vie sont marquées par plusieurs procès intentés par le prince et par ses expositions de peinture qui suscitent la curiosité et l'intérêt du public. Je ne suis pas d'accord avec Rien Emmery lorsqu'il écrit à la page 256 : "Charles n'avait pas de vrais amis et se sentait souvent seul". Il est dommage que l'auteur n'ait pas rencontré Gunnar Riebs, Gaston Jaumotte ou Yves de Jonghe d'Ardoye d'Erp qui étaient des intimes du prince à la fin de sa vie...

Charles décède en 1983 à Ostende et la Belgique organise des funérailles nationales pour son ancien régent oublié de tous.

Je n'ai trouvé que deux petites erreurs dans cet ouvrage intéressant :
p. 92-93 : En 1944, Charles n'a pas envoyé un télégramme et n'a pas rencontré à Londres le grand-duc de Luxembourg, mais la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg. Son époux le prince Félix n'avait pas le titre de grand-duc et n'était pas le chef d'Etat.
p. 251 : William Tuck n'a jamais été ambassadeur. C'était un riche ingénieur américain, docteur honoris causa de l'ULB, qui vivait en Belgique et avait épousé une jeune fille anversoise, Hilda Bunge.